Comment avez-vous imaginé le jardin potager de merci ?
Nous avons souhaité créer un potager chez merci en clin d’œil à la rue du Pont-au-choux et pour rappeler l’ambiance de la cantine. Le système du carré rappelle le potager. Il y a des fruits, des légumes et tout plein d’herbes aromatiques. Rhubarbe, céleri, thym, citronnelle…Tous ces produits sont utilisés pour réaliser des jus, des crumbles ou des tartes. Et tout est bio. Nous avons aussi rajouté des fleurs saisonnières au potager : des anémones du Japon, des cosmos, de la lavande et des jonquilles. Sur les murs, il y a de la vigne vierge, du lierre, des rosiers grimpants et du chèvrefeuille. Les merles viennent s’y nicher avec bonheur. Et quand les portes sont ouvertes l’été, les gens sont curieux.C’était un challenge dans le temps et dans la réalisation car la petite cour charmante actuelle était autrefois un terrain vague avec une vieille taule et des gravats. Le potager a été réalisé en 9 jours ! Aujourd’hui, on peut dire que cet espace vieillit bien et qu’il s’est très bien intégré. Tout le monde en profite y compris les voisins. On y trouve des abeilles, des coccinelles, des rouges-gorges, et des merles qui viennent pondre leurs œufs. C’est un petit bout de campagne dans la ville, un véritable paradis urbain.
Pouvez-vous nous parler de votre métier de paysagiste ?
J’exerce le métier de paysagiste depuis plus de 18 ans. Ça m’a pris un jour et ça ne m’a jamais quitté. C’est un métier riche en découvertes. De lieux, plus ou moins hospitaliers, dans lesquels la nature peine parfois à rentrer. De rencontres, avec les éléments comme le vent ou la lumière, mais aussi avec les gens. Certains vous font totalement confiance, d’autres qui ont une idée précise de ce qu’ils veulent mais qui ne savent pas forcément ce qui est faisable ou non.
Il faut discuter longuement, montrer ce qu’on va faire afin qu’ils visualisent bien le résultat. J’essaye de garder le côté poétique, de ne pas faire quelque chose de figé. L’idée du jardin maitrisé me fait un peu peur car la nature a toujours le dernier mot. Et puis je pense qu’à notre époque, c’est à nous de nous adapter et de laisser un peu de place à la nature. Parce qu’aujourd’hui, on la fait fuir avec des pratiques assez condamnables. Si on veut qu’elle revienne, il faut lui faire de la place. C’est pour ça que la politique de la nature dans la ville est vraiment essentielle. Ça fait du bien aux gens. Dès qu’on plante quelque chose quelque part, les gens viennent, posent des questions.
Et puis un jardin, même tout petit, c’est un espace de liberté. Mon plus grand plaisir c’est de voir pousser ce que j’ai planté. Même si c’est très dur et fatiguant, car il peut faire très froid ou très chaud, on est toujours récompensé. Récompensé de voir enfin éclore ce qu’on avait imaginé, avec le petit plus que la nature apporte comme par exemple la colonisation par les insectes ou par les oiseaux.
Le jardin dans la ville est une tendance actuelle ?
Toutes les nouvelles constructions sont prévues pour intégrer des terrasses ou jardinets. Ce n’est pas toujours simple mais il y a un vrai retour. Les jardiniers de la ville de Paris n’utilisent plus de produits chimiques depuis 10 ans. Ils utilisent ce qui sert pour l’agriculture biologique. On laisse pousser les herbes au pied des arbres, comme par exemple le long du Canal Saint-Martin. Cela fait des petits ilots de verdure. C’est agréable, et plaisant de voir que l’on cherche à réintroduire la nature dans la ville. Il y a beaucoup d’abeilles à Paris car elles sont malheureuses à la campagne. On trouve de plus en plus de ruches à Paris, notamment à Montmartre, et ça, c’est une petite victoire sur le béton.
Les gens réintroduisent la nature même dans de petits espaces..
Aujourd’hui de nombreuses boutiques proposent tout ce qu’il faut pour jardiner et les gens se débrouillent de plus en plus eux-mêmes. C’est une preuve de grand intérêt pour le vert.
Le principe du jardin éphémère ou vagabond rend le jardinage ludique et pratique : on change d’appartement, on prend son jardin. Avant il n’y avait que des pots lourds, maintenant on trouve des installations assez légères comme le Bacsac. Cela permet de faire des décors à renouveler et à déménager. |
Et le jardin communautaire, comme un lieu à partager ?
Le jardin communautaire a été imaginé par un britannique au 19ème siècle pour égayer la vie des ouvriers qui n’avaient pas beaucoup de loisirs. Puis l’abbé Lemire a créé le principe du jardin ouvrier autour de Paris à la fin du 19ème siècle. Ces jardins sont tombés dans l’oubli jusqu’au récent essor du vert. Depuis, ils ont peu à peu été réhabilités. Il y a des gens qui y cultivent leurs légumes et par ce biais assurent une partie de leur nourriture.Maintenant dans les grands jardins, un coin est prévu pour faire des micros potagers loués pour les gens du quartier. C’est environ 1m2, c’est juste pour le principe de cultiver quelque chose. Les enfants adorent patouiller dans la terre planter des graines, et récolter. Ils découvrent les vrais légumes qui sortent de la terre. Il n’y a rien de plus simple que de faire pousser des fraises, des tomates, ou même un petit pommier.
J’ai de plus en plus de clients qui me demandent un coin potager. Que ce soit à Paris, en banlieue ou à la campagne. Tout le monde a envie d’avoir sa platebande, de faire pousser ses fraises. C’est vraiment sympa, on rencontre des gens, on échange nos astuces, nos graines. Ça créé un lien assez fort et je pense que ça intéresse toutes les populations et toutes les générations.
D’après vous, comment va évoluer cette tendance ?
Il y a toujours des problèmes de place pour les espaces verts. Les jardins sont lésés dans un programme immobilier. Les paysagistes arrivent, il y a des gravats, et souvent plus d’argent pour le jardin. La cohabitation entre les entrepreneurs et les jardiniers n’est pas toujours facile. Ça serait sympa que ça change.
On a obligé les entrepreneurs à construire des parkings dans les immeubles, moi j’aimerais qu’il y ait une obligation d’introduire des jardins dans chaque immeuble. Même une petite surface. Le jardin est un excellent antidépresseur, dès qu’il fait beau et que les feuilles pointent le bout de leur nez, tout le monde est de bonne humeur !
Depuis toujours, la première chose qui me fascine quand je vais à l’étranger c’est les jardins. C’est un lieu formidable pour la découverte du pays et du mode de vie des gens.
A Londres il y a plein de jardins privés. C’est ancré dans leur culture, c’est même presque génétique car même les jeunes jardinent. Ils ont une telle science du jardin qu’ils arrivent à faire des trucs incroyables. Ça peut faire partie de leur carte de visite.
En Inde, chaque famille – qu’elle soit riche ou pauvre – possède trois pots, dans lesquels ils plantent des fleurs.
Quels sont les jardins que vous aimeriez faire découvrir ?
A Paris, le jardin André Citroën créé par Gilles Clément. C’est lui qui a introduit cette notion de jardin en mouvement, de parcelles qui ne doivent pas être trop cultivées, où l’on doit laisser revenir s’installer les plantes sauvages, les papillons. Le jardin du Quai Branly. Bien que récent, il a pris une belle ampleur. On évolue au milieu de graminées, de rosiers, d’arbres magnifiques où les oiseaux viennent chanter. On a plus du tout le sentiment d’être à Paris.
J’aime aussi le jardin Albert Kahn à Boulogne. Albert Kahn, banquier utopiste et extravagant, a eu l’idée de créer un jardin dans lequel seraient représentés les cinq continents. Il a envoyé des photographes dans le monde entier afin qu’ils prennent des clichés de jardins. Le jardin Albert Kahn possède s’étend sur trois hectares et on y trouve un jardin japonais, français, anglais. Il y a même une forêt vosgienne... Il a beaucoup souffert- il a connu les deux guerres et a été durement touché par la tempête de 1999 - mais il est d’une beauté ! |